Toute personne est assujettie à une obligation générale de bonne conduite et, en cas de manquement, elle s’expose à devoir réparer les dommages causés à autrui. On parle alors de responsabilité civile dite extracontractuelle, par opposition à la responsabilité contractuelle, qui découle du défaut d’honorer les engagements qu’on a contractés. En certains cas, la loi nous rend même responsable des gestes commis par des tiers ou du fait des biens que nous avons sous notre garde.

Le concept de faute

Qu’est-ce qu’une faute civile? Il s’agit d’une notion un peu floue, ce serait si simple si un avocat pouvait vous énumérer de façon exhaustive la liste des fautes civiles possibles, eh bien non! Justement, le concept de faute civile a pour but de laisser la porte ouverte à toutes sortes de situations qui pourraient se présenter. En droit criminel, c’est généralement le contraire : s’il n’y a pas un article de loi qui interdit quelque chose, alors l’acte est légal et permis. Le droit civil prévoit certaines situations spécifiques où une personne engage sa responsabilité civile. Par exemple, le locataire qui trouble la jouissance paisible d’un autre locataire du même immeuble, commet une faute et s’expose à une poursuite en dommages-intérêts. À défaut d’un texte de loi plus précis, ce sera l’article 1457 C.c.Q. qui trouvera application :

1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui.

Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel.

Elle est aussi tenue, en certains cas, de réparer le préjudice causé à autrui par le fait ou la faute d’une autre personne ou par le fait des biens qu’elle a sous sa garde.

Selon le premier alinéa de cet article, la faute civile est donc un manquement à une règle de bonne conduite, laquelle s’apprécie à la lumière de l’ensemble des circonstances, des usages ou de la loi. On comparera le comportement de la personne au comportement qu’aurait eu, en pareil circonstances, une personne normalement prudente et diligente. Ainsi donc, un comportement permis en certaines circonstances ne le sera pas en d’autres circonstances. La personne ivre, assis à un bar, ne commet pas de faute civile en soit, alors que la personne ivre, munie d’une carabine à la main, fait preuve d’une imprudence et risque d’engager sa responsabilité civile.

Le concept de faute civile est aussi évolutif : certains gestes pouvaient être acceptables il y a 20 ans mais constituer un manquement au devoir de bonne conduite aujourd’hui. À une certaine époque, des propos homophobes ou sexistes étaient prononcés ouvertement sans que personne ne monte aux barricades, alors qu’aujourd’hui de tels propos font l’objet d’une désapprobation générale et constituent une faute.

Des faits et gestes constituent une faute évidente, alors que d’autres situations sont plus ténues. Ne soyez donc pas surpris si votre avocat n’est pas en mesure de vous indiquer avec certitude s’il y a faute ou non dans une situation donnée; il reviendra alors au tribunal de trancher la question et, s’il se trompe, les tribunaux d’appel pourront intervenir.

On ne punit pas la personne qui n’est pas douée de raison

La personne qui n’a pas toute sa tête ne peut engager sa responsabilité civile, pas plus qu’elle ne peut engager sa responsabilité criminelle d’ailleurs. Ainsi, même s’il y a faute, les mineurs qui n’ont pas atteint une certaine maturité, les majeurs sous tutelle ou curatelle, ou toute autre personne qui n’est pas en mesure de discerner le bien du mal, pourra s’exonérer et ce, même si une faute civile a été commise.

Les dommages et le lien de causalité

Même s’il est démontré qu’il y a manquement à une règle de bonne conduite, la responsabilité du fautif ne sera pas engagée pour autant. En effet, encore faut-il que la personne ait subi un préjudice (ou un dommage), lequel doit être une suite immédiate et directe de la faute (lien de causalité). Reprenons l’exemple de la personne qui manipule une arme à feu en état d’ébriété. Il y a faute mais, tant qu’aucun dommage n’est causé par ce comportement, il n’y a pas matière à responsabilité civile. Le lien de causalité est une question de fait souvent évidente, mais parfois la combinaison de plusieurs fautes distinctes ou la présence d’autres éléments extrinsèques peuvent faire en sorte que le tribunal conclura qu’une faute n’a pas causé le dommage reproché. Par exemple, si une personne est battue et reçoit plusieurs coups de poing au visage et qu’ensuite, on commet une erreur médicale à l’hôpital, engendrant la perte totale d’un œil, celui qui a donné des coups de poings ne sera pas nécessairement responsable de la perte de l’œil, quoiqu’il puisse être responsable d’un autre dommage qu’il faudra identifier. De même, si la victime doit ensuite cesser de travailler, ce qui la force à faire faillite, il est probable que le ou les fautifs ne soient pas responsable de la faillite, on considérera alors que c’est plus lié à la situation financière de la victime qu’aux fautes commises.

La responsabilité du fait d’autrui

La loi prévoit certaines situations où on peut être responsable des agissements d’un tiers. Ainsi, les parents seront responsables des fautes commises par leurs enfants mineurs, à moins qu’ils ne prouvent n’avoir commis aucune faute dans la garde, la surveillance ou l’éducation de ceux-ci.  De la même manière, les personnes qui se font déléguer momentanément par les parents la garde, la surveillance ou l’éducation d’un mineur peuvent aussi être responsables des fautes du mineur. On pense alors aux intervenants en garderie ou en milieu scolaire.

Un autre cas fréquent de responsabilité du fait d’autrui est la responsabilité du commettant, pour la faute de ses préposés dans l’exercice de leurs fonctions. L’employeur engage donc sa responsabilité pour la faute de ses employés, ce qui est particulièrement utile, ces derniers étant généralement moins solvables que leur commettant.

La responsabilité du fait des biens

En plus d’être responsable des fautes d’autrui, on peut être responsable en raison du contrôle qu’on a ou qu’on a eu sur un bien ou parce qu’on en est le propriétaire. Ainsi, le gardien d’un bien ou d’un animal peut engager sa responsabilité civile pour les dommages que ceux-ci ont causés. La loi présume alors que le gardien aurait pu empêcher la réalisation du dommage. Le propriétaire d’un immeuble doit l’entretenir de façon raisonnable et le préjudice causé par sa ruine engage la responsabilité de son propriétaire. Enfin, le fabricant, le distributeur ou le vendeur d’un bien sont tous présumés responsables solidairement du défaut de sécurité d’un bien.

Conclusion

Nous sommes tous susceptibles, à un moment où un autre de notre vie, d’engager notre responsabilité civile. Personne n’est parfait! Le concept de faute s’apprécie sans égard à l’intention de la personne fautive, la bonne foi n’étant donc pas un moyen d’exonération. Ceci étant, le meilleur conseil que nous pourrions vous donner est de vous comporter sincèrement, en tout temps, d’une façon honorable, digne et soucieuse du bien-être d’autrui. L’intention de bien agir, bien qu’elle ne soit pas un moyen de défense, est sans doute la meilleure façon de vous prémunir contre des poursuites éventuelles!