Le 13 mars 2020, le gouvernement québécois a déclaré l’état d’urgence sanitaire et pris plusieurs mesures pour assurer la santé et sécurité de ses citoyens. Ces mesures entraînent et entraîneront d’importantes répercussions sur l’économie. Malgré l’aide financière apportée par les gouvernements, plusieurs personnes ne seront pas en mesure de respecter leurs engagements légaux.
Nous vous proposons un survol des impacts de cette pandémie sur vos droits et obligations dans différents domaines.
Contrat : La pandémie de la COVID-19 constitue-t-elle une force majeure justifiant le non-respect de vos obligations contractuelles?
Un événement qualifié de force majeure par les tribunaux québécois peut avoir l’effet de suspendre ou de libérer l’exécution de certaines obligations contractuelles, voire même d’entraîner la résiliation d’un contrat en cas d’inexécution importante.
Qu’est-ce qu’une force majeure? Il s’agit d’un événement imprévisible, irrésistible et non imputable à celui qui l’invoque. Lors de la survenance d’un tel événement, l’engagement pris devient impossible à accomplir.
(1) Imprévisible : L’événement ne pouvait pas être prévu lors de la conclusion du contrat. Par contre, une situation exceptionnelle n’est pas nécessairement imprévisible.
(2) Irrésistible : L’événement conduit à une impossibilité absolue de respecter son obligation ou d’empêcher la survenance de l’événement. Si l’exécution de l’obligation est encore possible, mais plus difficile ou plus dispendieuse, nous ne pouvons pas parler d’irrésistibilité.
(3) Cause externe (non-imputabilité) : La survenance de l’événement est indépendante de la volonté du débiteur, elle est hors de son contrôle.
La détermination de la force majeure est une question de cas par cas et devra faire l’objet d’une analyse rigoureuse. La pandémie de la COVID-19 n’est pas un passe-droit à toutes vos obligations.
Lors de cette analyse, il faut, entre autres :
- vérifier si le contrat lui-même prévoit une clause applicable en cas de force majeure;
- considérer l’intensité de l’obligation (de moyen, de résultat ou de garantie), puisqu’en cas d’obligation de garantie, la force majeure ne peut pas être invoquée;
- s’attarder à la situation factuelle entourant le contrat;
- et se rappeler que le fardeau de prouver cette force majeure appartient à celui qui l’invoque.
Il est aussi important de vérifier si une police d’assurance couvre les pertes en cas de défaut d’exécuter ses obligations. Dans l’affirmative, il faut s’assurer de suivre les modalités prévues pour bénéficier de l’indemnité d’assurance.
De plus, il faut être conscient que si vous n’êtes pas en mesure d’exécuter substantiellement vos obligations, votre cocontractant est en droit de refuser, dans une mesure correspondante, d’exécuter ses obligations corrélatives.
Il est probable que les tribunaux québécois puissent déterminer, dans certains cas, que la présente pandémie constitue une force majeure. L’histoire et la jurisprudence nous donnent certains exemples où la force majeure a été reconnue dans le cadre de certains contrats : la crise d’Oka de 1990, la crise du verglas de 1998, les attentats du 11 septembre 2001, la propagation du virus H1N1 en 2009.
Par contre, vous ne pouvez pas prendre pour acquis que vous serez automatiquement libéré de vos obligations contractuelles en raison de la pandémie. Si vous êtes dans l’impossibilité d’exécuter vos obligations en raison de la pandémie ou si votre cocontractant n’est pas en mesure d’exécuter ses obligations pour ce motif, nous vous suggérons d’obtenir une consultation juridique le plus rapidement possible pour déterminer vos droits et obligations.
Bail de logement : Êtes-vous justifié de ne pas payer votre loyer en raison de la pandémie?
La Régie du logement a suspendu ses auditions tant et aussi longtemps que l’état d’urgence sanitaire sera décrété. Elle a également suspendu l’exécution des décisions en matière de reprise de logement, d’éviction ou d’expulsion.
Quoiqu’il soit demandé aux locateurs de faire preuve de compréhension à l’égard des locataires qui pourraient, en raison de la COVID-19, avoir des difficultés à payer leur loyer comme convenu, ces derniers sont tout de même tenus de payer leur loyer. La pandémie ne constitue pas un motif de se soustraire à ses obligations. Il est de la responsabilité des locataires de communiquer avec leur locateur afin de prendre une entente temporaire sur le paiement du loyer.
Droit familial : Le statu quo malgré la pandémie.
Une décision a été rendue, le 27 mars 2020, en matière de garde et de droit d’accès dans le contexte de la pandémie de la COVID-19 dans laquelle le tribunal mentionne que :
« Malgré que cela puisse paraître paradoxal, la présence de la COVID-19 considérée comme une urgence sanitaire n’est pas en soi, en absence de symptômes pour les individus concernés, un motif suffisant nécessitant une modification du statu quo, de la garde et des accès pour les enfants. »
Droit de la famille — 20474, 2020 QCCS 1051 (CanLII)
Par conséquent, malgré la pandémie, les ententes préalables (jugement ou entente entre les parents) doivent être respectées autant que possible, tout en respectant les directives émises par la santé publique.
Dans l’éventualité où le respect d’une entente ou d’un jugement n’est pas possible, les parents peuvent convenir ensemble, ou par l’entremise de leur avocat respectif, d’une entente sur la reprise du temps amputé en raison de la crise.
Concernant les pensions alimentaires, elles doivent être payées comme prévu, mais il est possible qu’un ajustement soit nécessaire à la fin de la crise advenant que la situation des parents ait changé. Si c’est le cas, contactez-nous!
Droit du travail : Impacts importants et à long terme
D’abord, l’employeur doit protéger la santé et assurer la sécurité et l’intégrité physique de ses travailleurs. Ainsi, l’employeur doit diminuer les risques d’infection au virus par ses employés par tout moyen raisonnable, que ce soit en favorisant le télétravail et la distanciation sociale, en interdisant la présence au travail de gens présentant des symptômes d’infection, en encourageant le lavage de mains, etc. Ces mesures doivent être prises pendant la pandémie, mais également au retour au travail. Les employeurs devront suivre les directives émises par la santé publique.
Le travailleur peut porter plainte à la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) s’il croit que les précautions raisonnables ne sont pas prises par son employeur. Dans les cas extrêmes, il peut même refuser d’exécuter sa prestation de travail, mais attention : il est important de bien s’informer avant de prendre une telle décision, puisque le refus de retourner au travail pourra être considéré comme une fin du lien d’emploi, avec les conséquences qui en découlent.
En second lieu, la présente crise affecte l’économie au point où l’employeur peut être contraint de licencier un ou plusieurs de ses employés, par manque de travail. Sous réserve du contrat de travail, qui peut prévoir des clauses particulières, un manque de travail constitue un motif sérieux permettant de mettre fin à un contrat de travail sur-le-champ, sans préavis. Il va sans dire que cela ne peut être un prétexte pour se débarrasser d’un employé devenu indésirable; autrement, cela peut constituer un congédiement déguisé.
Pour les salariés qui ne sont pas des cadres et qui bénéficient donc de la protection de la Loi sur les normes du travail, la situation n’est pas tellement différente : vous pouvez être mis à pied sur simple avis verbal, pour autant que ce soit pour une durée indéterminée, ce qui est généralement le cas actuellement. Advenant que le manque de travail se poursuive au-delà de six mois, les employés pourraient avoir droit à une indemnité, qui varie selon l’ancienneté de chacun.
Heureusement, plusieurs employés et employeurs pourront bénéficier des différents programmes d’aides gouvernementaux pour passer au travers de la crise, mais certaines situations peuvent ou pourront susciter des questionnements. N’hésitez pas à communiquer avec nous en cas de doute.
Délais procéduraux : La suspension des délais vs le calcul de ceux-ci
Les délais de prescription extinctive et de déchéance en matière civile, de même que les délais civils sont suspendus jusqu’à l’expiration de la période de la déclaration d’état d’urgence sanitaire, et ce, à partir du 13 mars 2020. On parle de suspension, donc ces délais recommenceront à courir à l’expiration de la déclaration d’état d’urgence sanitaire.
Un répit pour certains, mais une attente supplémentaire pour d’autres. Dans les deux cas, il faudra faire un suivi approprié du calcul des délais suite à la fin de cette suspension afin de ne pas perdre de droits. Nous vous conseillons de nous contacter le plus tôt possible.