Promesse électorale du Parti Libéral du Canada, les canadiens pourront dorénavant se procurer du cannabis à des fins récréatives et ce, en toute légalité. La Canada devient ainsi un pays avant-gardiste en la matière, en se fondant sur la prémisse que la prohibition a été un échec et comporte plus d’effets négatifs que positifs.

Le sujet divise les canadiens et ne fait pas consensus. Certains ont peur que la légalisation ait pour effets d’augmenter la consommation de la substance et, du même coup, les effets indésirables qui viennent avec, notamment au niveau de la santé, physique et mentale, mais aussi sur la sécurité du public. D’autres craignent des problèmes de productivité au travail ou encore des enjeux de bon voisinage entre locataires.

Ainsi, avec l’adoption imminente du projet de loi C-45, ou Loi sur le cannabis, certaines personnes et organismes veulent savoir ce qu’ils peuvent faire dans leur environnement local pour en restreindre l’usage.

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La compétence fédérale, provinciale et municipale de légiférer en matière de cannabis

D’entrée de jeu, il paraît opportun d’expliquer l’objet de la loi et la raison pour laquelle elle émane du gouvernement fédéral. Lors de la prohibition, le gouvernement fédéral exerçait sa compétence relative au droit criminel qui lui était dévolue au terme de la constitution. Le droit criminel vise à identifier et interdire certains comportements jugés moralement répréhensibles et à punir les contrevenants en imposant certaines peines. Il s’agit d’une compétence exclusive du gouvernement fédéral. Ainsi, tant que le droit criminel interdisait la culture, la possession et la distribution du cannabis récréatif, les provinces et les municipalités ne pouvaient légiférer en la matière.

D’entrée de jeu, il paraît opportun d’expliquer l’objet de la loi et la raison pour laquelle elle émane du gouvernement fédéral. Lors de la prohibition, le gouvernement fédéral exerçait sa compétence relative au droit criminel qui lui était dévolue au terme de la constitution. Le droit criminel vise à identifier et interdire certains comportements jugés moralement répréhensibles et à punir les contrevenants en imposant certaines peines. Il s’agit d’une compétence exclusive du gouvernement fédéral. Ainsi, tant que le droit criminel interdisait la culture, la possession et la distribution du cannabis récréatif, les provinces et les municipalités ne pouvaient légiférer en la matière.

Enfin, les municipalités sont des créatures qui émanent du gouvernement provincial et elles n’ont que les pouvoir que celui-ci leur délègue. Elles possèdent généralement de larges pouvoirs mais qui sont limitées sur leur territoire. Les municipalités peuvent ainsi restreindre l’usage du cannabis dans certains endroits comme les places publiques et les parcs.

Dans tous les cas, un chevauchement des compétences est possible. Par exemple, les provinces et les municipalités peuvent prévoir des règles plus sévères que celles prévues par le gouvernement fédéral. Ainsi, bien que le gouvernement du Canada prévoie que la culture d’un maximum de 4 plants de marijuana à des fins personnelles soit légale (donc décriminalisée), cela n’empêche pas une province ou une municipalité de l’interdire sur son territoire en exerçant leur compétence respective.

Les gens et organisations concernées devront donc tenir compte de ce qui précède et vérifier scrupuleusement quelles sont les normes qui s’appliquent à eux.

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En droit du travail

En droit du travail, les employeurs s’inquiètent pour la productivité et la sécurité de leurs employés, ce qui est légitime.

L’employeur a par ailleurs une obligation légale d’assurer la santé et la sécurité de ses travailleurs, à plus forte raison lorsque la nature de l’emploi expose le travailleur à des dangers (pompiers, policiers, construction). L’article 2087 du Code civil se lit comme suit :

L’employeur, outre qu’il est tenu de permettre l’exécution de la prestation de travail convenue et de payer la rémunération fixée, doit prendre les mesures appropriées à la nature du travail, en vue de protéger la santé, la sécurité et la dignité du salarié.

En certaines circonstances donc, un employeur qui tolèrerait que ses employés travaillent sous l’influence du cannabis pourrait mettre sa responsabilité civile à risque si le pire devait arriver.

Outre le volet sécurité, l’employeur a un droit de gérance inhérent au contrat de travail qui lui permet de contrôler la prestation de travail de ses employés. L’employeur est ainsi fondé de considérer que l’employé sous l’influence de l’alcool ou d’une drogue (comme le cannabis) soit moins performant et pour cette raison, il peut imposer des restrictions et des sanctions disciplinaires raisonnables eût égards aux circonstances.

Ainsi donc, bien que le cannabis soit légal, en raison des conséquences prévisibles sur la prestation de travail, il demeurera loisible aux employeurs d’en interdire la consommation sur les lieux de travail et pendant une période raisonnable avant le début du quart de travail. En outre, les employeurs pourront implanter une politique afin de limiter et d’encadrer la consommation de cannabis par leurs employés. La politique mise en place devra être claire, précise, appliquée de manière rigoureuse et être connue des employés.

Comme on est en territoire nouveau, seul le temps nous dira ce qui sera considéré comme raisonnable ou non. Jusqu’à combien de temps avant le début de son quart de travail l’employé devrait-il pouvoir consommer du cannabis? 2 heures? 5 heures? 1 journée? Peu d’outils existent présentement pour mesurer le taux d’intoxication au cannabis. Employeurs et employés devront donc faire preuve de bon sens et s’adapter.

Advenant qu’un employeur implante une politique déraisonnable, celle-ci pourrait être déclarée nulle pour cause d’atteinte aux droits et libertés fondamentales de l’employé, incluant le droit à la liberté, la vie privée et le droit à l’égalité. L’employé pourra alors prétendre que le cannabis étant par ailleurs légal, l’employeur ne peut complètement en interdire la consommation sans qu’un motif légitime le justifie. Il reviendra alors à l’employeur de démontrer que sa politique est raisonnable. Une preuve scientifique pourra alors être faite quant aux risques d’avoir un certain taux de cannabis dans l’organisme pour effectuer des tâches précises. Il faudra alors tracer au bon endroit une ligne entre ce qui constitue la sphère personnelle et ce qui constitue la sphère professionnelle, et cette tâche reviendront aux tribunaux et aux avocats qui plaident devant eux.

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En droit du logement et syndicats de copropriété

En matière de logement, la situation est tout aussi délicate. Les enjeux se situent au niveau de la fumée secondaire mais aussi au niveau de l’état du logement à long terme.

Relativement à la fumée secondaire, tout locataire a une obligation générale de bon voisinage, prévue à l’article 1860 du Code civil du Québec :

Le locataire est tenu de se conduire de manière à ne pas troubler la jouissance normale des autres locataires.

Il est tenu, envers le locateur et les autres locataires, de réparer le préjudice qui peut résulter de la violation de cette obligation, que cette violation soit due à son fait ou au fait des personnes auxquelles il permet l’usage du bien ou l’accès à celui-ci.

Le locateur peut, au cas de violation de cette obligation, demander la résiliation du bail.

Cet article est d’application large et vise toutes sortes de situations. Par exemple, la Régie du logement a rendu une décision expulsant un locataire de son logement car la fumée qu’il produisait en raison de sa consommation de cannabis médical portait atteinte au droit à la jouissance paisible des lieux des autres occupants de l’immeuble. Cette décision vient confirmer qu’il n’est pas permis d’indisposer ses voisins avec de la fumée secondaire simplement parce que la consommation de cannabis est autorisée. La résiliation du bail sera généralement accordée en dernier recours pour les locataires récalcitrants parce ce qu’en matière de logement, le locataire a droit au maintien dans les lieux. Ce n’est qu’en cas de préjudice sérieux que la résiliation sera accordée, mais le locataire fautif s’expose néanmoins à une poursuite en dommages-intérêts.

Soulignons que cette obligation prévue à l’article 1860 s’impose nonobstant ce que prévoit le bail. Le locataire qui a été autorisé à fumer à l’intérieur de son logement ne peut pas plus indisposer ses voisins. Il s’agit d’une obligation d’ordre public à laquelle les parties ne peuvent déroger à l’avance.

D’un autre côté, le locateur peut avoir des motifs légitimes pour interdire un locataire de fumer à l’intérieur de son logement, que ce soit la cigarette, le cannabis ou toute autre substance. Cela se justifie non seulement parce que le locateur doit garantir à tous les locataires la jouissance paisible des lieux loués, mais aussi parce qu’à long terme, il est bien connu que toute fumée est susceptible de s’imprégner dans le logement, rendant plus difficile la remise des lieux en état et la relocation aux non-fumeurs, qui constituent la majorité de la population et des locataires.

Les locateurs ont donc intérêt à jouer franc jeu dès le début avec leurs locataires. Si l’interdiction de fumer n’a pas été imposée lors de la conclusion du bail, le locateur peut se prévaloir de la loi québécoise encadrant le cannabis qui lui permet de le faire dans les 90 jours de l’entrée en vigueur de la loi, soit jusqu’au 17 janvier 2019, en envoyant un simple avis au locataire. Ce dernier ne pourra refuser que pour des raisons médicales. Le locateur qui ne respecte pas ce délai pourra rectifier le tir en modifiant les conditions du bail lors du prochain renouvellement. Il devra alors envoyer un avis de modification dans le délai prescrit (généralement de 3 à 6 mois avant la fin du bail, dans le cas d’un bail de 12 mois), après quoi le locataire devra indiquer s’il consent ou non dans un délai d’un mois. S’il omet de répondre, la modification sera automatiquement acceptée. S’il refuse la modification, le locateur devra s’adresser à la Régie du logement pour qu’il en soit décidé. La Régie aura alors l’entière discrétion d’accorder la modification ou non à la lumière de l’ensemble des circonstances. Par exemple, il sera plus difficile pour un locateur d’empêcher son locataire de fumer dans son logement lorsque celui-ci est autorisé à le faire depuis plusieurs années et que cela n’a jamais dérangé personne. Toutefois, nous sommes d’avis que certains arguments peuvent être soulevés à cet égard et que la Régie devra se pencher sur la question.

Au niveau des syndicats de copropriété, ceux-ci peuvent interdire la fumée à l’intérieur des parties privatives via le règlement de l’immeuble. La modification devra être approuvée par la majorité des copropriétaires présents à l’assemblée. Le règlement ainsi modifié s’appliquera à tous les copropriétaires mais aussi à tout locataire ou occupant de l’immeuble, dès qu’un exemplaire lui est remis. Le règlement de copropriété prime toujours sur le bail de logement, c’est-à-dire qu’un locataire autorisé en vertu de son bail à fumer dans son logement devra néanmoins s’abstenir de le faire si le règlement de copropriété l’interdit.

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Troubles de voisinage

L’article 976 du Code civil du Québec prévoit :

« Les voisins doivent accepter les inconvénients normaux du voisinage qui n’excèdent pas les limites de la tolérance qu’ils se doivent, suivant la nature ou la situation de leurs fonds, ou suivant les usages locaux. »

En application de cette disposition, il est donc possible que la fumée de cannabis d’un voisin devienne une nuisance pour vous et votre famille. Il est bon de savoir qu’il existe un recours pour vous assurer la jouissance paisible de votre propriété et protéger votre santé.

En droit criminel

Le cannabis ne disparaîtra pas complètement du droit criminel! En plus des infractions qui continueront d’exister pour ceux qui produisent ou font la distribution non autorisée de cannabis, la conduite avec les facultés affaiblies par l’alcool et la drogue, incluant le cannabis a toujours été interdite et elle le demeurera suite à la légalisation. La conduite avec facultés affaiblies est une infraction criminelle pouvant mener à la perte du permis de conduire, des amendes et même l’incarcération. La légalisation du cannabis n’assouplira donc pas les règles pour la conduite d’un véhicule sous l’influence, bien au contraire. En fait, des modifications ont été apportées à la loi pour faciliter le travail des policiers eût égard à la détection de la conduite avec les facultés affaiblies par la drogue.

Finalement

En conclusion, bien que la consommation de cannabis soit légalisée à partir du 17 octobre 2018, dans bien des milieux elle sera tout de même interdite ou limitée.

Si vous avez des questions quant :

  • à ce qu’implique la légalisation du cannabis dans vos vies;
  • aux troubles de jouissance de votre propriété ou inconvénients liés à la consommation de cannabis dans votre milieu;
  • à l’établissement d’une politique de consommation en milieu de travail ou dans votre règlement de copropriété,
  • ou encore si vous subissiez une injustice quant à son interdiction;

N’hésitez pas à nous contacter.

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